Sous son casque et son blouson de motard, Ludovic arbore une tenue aussi simple qu’élégante : veste croisée bleu marine avec pochette et boutons de manchettes. Un look de gentleman moderne.
Ludovic Elens, plus connu comme le “Lunetier Ludovic”, créé des lunettes personnalisées et uniques. Il partage beaucoup d’affinités avec JAGGS, à commencer par l’amour du sur-mesure.
Partons à la rencontre de cet entrepreneur dans l’âme qui n’a pas froid aux yeux.
Ludovic, qui êtes-vous ?
Je suis opticien, je suis lunetier, je suis papa de trois garçons.
On a créé, il y a déjà six ans, un projet un peu fou et ambitieux… En fait il n’y a pas de production de lunettes en Belgique, donc on s’est dit : pourquoi pas faire des lunettes ! Et tant qu’à faire, on va les faire sur-mesure !
Et donc j’ai créé Ludovic Lunetier sur-mesure !
Il paraît que vous n'avez pas vraiment besoin de porter de lunettes vous-même… Un comble, non ?
Tout à fait ! Je ne porte presque pas de correction. En fait, je suis tombé ici vraiment par hasard ! À 16 ans, j’ai choisi des études d’optique, tout simplement.
J’ai été alors embauché par une société qui faisait du volume. À 22 ans, j’étais directeur d’un magasin en Flandre. C’était disproportionné ! Moi, j’étais en coloc avec des copains à 22 ans ! J’avais le savoir-faire, mais pas le savoir-être (rires).
J’ai fait ça pendant trois ans puis je suis parti en Afrique, au Togo. Après, je suis revenu et j’ai alors travaillé dans un magasin beaucoup plus haut de gamme dans l’univers des lunettes.
Là, c’était le même objet, toujours dans le prêt-à-porter, mais c’était vraiment une autre approche. Jamais mon patron ne m’a demandé combien j’en avais vendu en une journée, mais bien si j’avais fait plaisir des clients. Une approche très agréable.
On peut dire que j’ai eu deux écoles.
Comment est née l'idée de fabriquer des lunettes sur-mesure ?
En fait, l’idée vient d’une analyse du marché. Il y avait une vraie demande, des personnes qui cherchaient des lunettes sur-mesure dû à leur morphologie de visage, leurs envies ou leurs gouts. Ils voulaient avoir une pièce unique… sauf qu’en Belgique, ça n’existait pas !
C’est comme ça qu’en cherchant quelqu’un qui pouvait produire pour moi des lunettes sur-mesure, j’ai rencontré des maîtres et j’ai été formé en 2014-2015.
Concrètement, comment ça se passe pour créer des lunettes sur-mesure ?
La création de lunettes sur-mesure a plusieurs étapes, plusieurs rendez-vous.
Le premier rendez-vous c’est la rencontre et les prises de mesures sur le visage. Il y en a quinze ! Il faut essayer de comprendre ce que la personne veut : est-ce un besoin ? Une nécessité ? Ou est-ce que c’est quelqu’un qui veut simplement se faire plaisir ? Quelque chose de classique ? Du pur dandysme ?
Pour la deuxième rencontre, deux semaines après, je prépare des dessins et des maquettes en carton en deux dimensions pour que le client puisse les essayer.
L’idée, c’est vraiment de proposer un maximum de possibilités parce que beaucoup de clients sont souvent limités en choix. Certaines personnes sont hors norme parce qu’elles ont un très grand visage et/ou de très grandes dioptries. Pour eux, les lunettes sur-mesure sont un besoin.
Une fois qu’on a mis au point le dessin des lunettes, on va choisir la matière et la couleur. Et là il y a plein de possibilités ! De l’acétate de cellulose à l’écaille de tortue, en passant par le métal, le bois, l’or massif, la corne de buffle et de zébu.
Toutes les cornes qu’on propose sont issues de l’agriculture, pas un dérivé de la chasse. Et l’écaille de tortue viens de chez un écailliste, bien sûr !
Après avoir choisi la forme, la matière et les rivets, je dessine les branches, qui sont aussi personnalisables. Si vous voulez un coucher de soleil sur le côté, on vous fait un coucher de soleil !
Après la production, qui prend entre un et trois mois, vient le troisième rendez-vous. C’est l’ajustement à l’atelier ainsi qu’un examen de vue et le centrage des verres.
Finalement, une semaine plus tard, le client repart avec ses nouvelles lunettes sur-mesure !
Mais dites-moi, vous n'êtes pas seul à l'atelier pour faire tout ça ?
Non, bien sûr. Nous sommes trois à l’atelier, dont un apprenti. Mon épouse travaille dans les coulisses : côté financier, communication et gestion.
Et moi, je suis partout ! Je suis un peu dans l’atelier et dans la gestion aussi. Mais surtout avec la clientèle !
Nous imaginons que vous faites face à de nombreuses commandes… Comment faites-vous pour y répondre ?
Ça, c’est un apprentissage que j’ai dû faire. En fait, la première année, je pensais vendre 12 paires de lunettes sur-mesure, une par mois. Je n’avais pas de business plan. Comme il n’y avait personne qui en faisait, je ne pouvais pas m’inspirer d’autres business.
La première année j’en ai fait 120, pas 12 ! Dix fois plus ! J’étais dépassé… Il fallait travailler la nuit et les weekends.
Ce n’était pas gérable. Donc on a fait un agenda plus raisonnable avec deux commandes par semaine. Donc on fait une petite centaine de lunettes sur-mesure par an, ce qui est très bien !
Quel argument est-ce que vous me donneriez pour choisir le sur-mesure ?
D’un part pour le choix d’une belle matière, agréable à porter.
Ensuite, les lunettes vont littéralement épouser votre visage. Il n’y aura pas de points de tension sur le nez. Vous allez pouvoir porter les lunettes beaucoup plus confortablement, plus longtemps.
Enfin, cela vous offre l’opportunité d’avoir une pièce unique. Je suis artisan. Mon but, c’est de fabriquer les lunettes que le client souhaite. Je prends du plaisir à la fabriquer, tout est fait manuellement.
Moi, je m’occupe de tout ce qui est confort et technique. Et le client, de son côté, participe à tous les choix esthétiques.
On a beaucoup de couples qui viennent. Un cadeau d’une personne à son conjoint, et ils enchainent avec un petit restaurant…
L’année passée, quatre filles ont offert des lunettes à leur Papa. Les quatre filles venaient à chaque étape avec lui pour tout choisir. C’était très chouette, très convivial. Et à la fin, le Papa en question est venu chercher ses lunettes tout seul et il m’a dit : “J’aime beaucoup les lunettes, mais, vraiment, le plus beau cadeau, c’était de passer du temps avec mes filles !”
Ça fait plaisir à entendre ! C’est un tout, c’est une expérience et c’est aussi faire vivre l’économie locale.
C’est ça le luxe, consacrer du temps à la personne.
Quel conseil donnez-vous aux clients qui souhaitent se faire des lunettes sur-mesure pour la première fois ?
Il y a beaucoup de gens qui ne savent pas par où commencer alors moi, je conseille. Conseiller c’est mettre à disposition son savoir-faire à autrui.
Quand je dessine sur-mesure sur les traits du visage, je vois très bien la forme qu’il vous faut. Puis c’est en discutant avec le client qu’on va faire évoluer la forme des lunettes.
Il ne faut pas avoir peur de ne pas savoir. Vous allez participer à tellement de détails que vous allez aimer l’objet et il va vous aller parce que les lunettes sont faites spécialement pour vous, en pensant à vous uniquement.
Il n’y a pas de risque !
On imagine que les demandes les plus extravagantes ou créatives sont celles qui vous challengent…
Quand quelqu’un nous demande quelque chose de très spécial ça nous sort de notre zone de confort et, du coup, on apprend. C’est le plus intéressant ! C’est chouette de dire oui à tout mais après il faut assumer !
Il y a des gens qui sont venus avec un skateboard pour en fabriquer des lunettes. On nous ramène souvent des trophées de chasse. On a déjà intégré des tissus, des lignes en argent, du cuir. On a même intégré des composants de montres dans une branche.
Actuellement, nous sommes en train de faire des lunettes avec des feuilles d’or et d’autres avec des gravures de dessins maoris !
On en voit de toutes les couleurs.
On a entendu dire que même Manneken Pis porte des lunettes de chez Lunetier Ludovic, c'est vrai ?
Oui, tout à fait ! Ce sont les premières lunettes de vue du Manneken Pis !
C’est la ville de Bruxelles qui nous a demandé de fabriquer des lunettes pour Laurent Ruquier, qui vient en Belgique pour enregistrer une émission de “Les Grosses Têtes”. La ville de Bruxelles voulait le mettre en avant, on n’a pas hésité une seconde !
En plus du sur-mesure vous avez aussi quelques collections en boutique ?
Oui, on a du prêt-à-porter. On propose des marques de lunettes externes -design et classiques- spécialisées dans la lunetterie. On a des marques japonaises, françaises, belges, américaines.
Et la Covid, on a créé une collection de prêt-à-porter en corne. C’est quelque chose qui nous manquait pour les touristes, mais aussi pour les gens qui n’ont pas le temps, qui n’ont pas besoin ou qui n’ont pas envie, mais qui veulent quand même une fabrication belge artisanale.
Ça fait quoi d’être l’un des rares lunetiers du pays ?
Il y a une reconnaissance internationale à laquelle je ne m’attendais pas !
On a été invités à un salon à Paris où j’ai représenté les opticiens de la Belgique. C’était vraiment inattendu !
Et en février, nous allons à Dubaï pour exporter notre savoir-faire dans le cadre de L’Exposition Universelle 2020 qui a lieu maintenant. C’est Brussels Export qui souhaite mettre à l’honneur l’excellence et l’originalité bruxelloise.
Nous avons même été invités à Savile Row participer à un pop-up shop ! C’est énorme !
Du coup, on imagine que vous avez plein de lunettes, non ?
Moi, je suis très classique et je n’ai pas le temps de le fabriquer.
Celle-ci je la porte depuis un an et demi. La précédente avait la même forme ! Et la prochaine aura la même forme aussi ! Mais peut-être cette fois-ci dans de l’écaille de tortue…
Je suis très fidèle à ma forme. Par contre, mes employés ont plein de lunettes, c’est vrai !
Quelles sont vos envies entrepreneuriales pour la suite ?
On a profité de la Covid pour créer une collection. C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Je n’ai jamais eu le temps de produire pour le plaisir et pas pour un client directement, juste pour mettre en stock.
C’était une autre manière de produire aussi. Il fallait que ce soit un peu plus rentable parce qu’on essaye de faire un prix plus attractif donc, il faut absolument que les étapes soient plus fluides, plus en série.
On a lancé ça en 2020 et ça se porte bien. On a envie de faire plus de prêt-à-porter en corne. C’est de la demi-mesure donc le client a encore des choix à faire. On va continuer notre côté artisanal pour diminuer notre stock de lunettes prêt-à-porter d’autres marques et augmenter notre stock à nous.
Les prochaines étapes seront de continuer à créer des modèles de collaboration ainsi que d’aller chercher le client, on sent bien qu’il y a un potentiel à l’étranger.
Entre nous, vous aimez l’art sartorial, non ?
C’est vrai ! J’aime m’habiller bien, être présentable.
Quand j’étais étudiant les profs m’appelaient “le bourgmestre”. Ça date depuis il y a quand-même déjà pas mal de temps ! Je me rappelle que j’allais en costume chez beau-papa et belle-maman à l’époque.
Je pense, dans mon image de père ou de grand-père, je vois toujours un homme avec une cravate et un blazer, en tout cas.
Quand on se balade à Milan, les hommes sont tous bien habillés, c’est chic ! J’aime bien le quartier du Sablon où se trouve notre boutique, c’est visuellement agréable. Après, je ne l’impose pas à mes employés, c’est mon style à moi.
Cravate ou noeud papillon ?
Cravate !
J’ai eu un noeud papillon à mon mariage, mais je l’ai vite enlevé ! Je suis plutôt cravate. J’en ai une très belle à 7 plis… Super beau !
Pour vous, c'est quoi la définition du Gentleman ?
C’est une attitude : la politesse, l’éducation… Et visuellement, de nouveau, je pense qu’un gentleman peut être bien habillé !
Pour la marque Lunetier Ludovic, c’est d’être bien vu par tout le monde et par tous mes fournisseurs. Je n’ai jamais payé une facture en retard, on a toujours été très clairs, je n’ai jamais commandé quelque chose que je ne pouvais pas honorer.
Je trouve que c’est très important d’être fiable et de tenir sa parole. Pour moi, c’est ça être gentleman !
Des lunettes sur-mesure à Bruxelles
La boutique-atelier de Lunetier Ludovic se trouve à Bruxelles, dans le quartier du Sablon.
Si vous souhaitez prendre en rendez-vous avec lui ou simplement jeter un coup d’œil sur ses collections prêt-à-porter en ligne, c’est par ici !